Jean Régis PERRIN
ARCHEOLOGIE AERIENNE
EN LIMOUSIN
Des images aériennes récupérées sur la vaste zone nord-ouest
du Haut-Limousin.
La longue exposition sur 18 pages, d'anomalies et de cicatrices jusqu'ici inconnues,
infligées à notre sol par deux millénaires d'histoire.
De courtes pistes indigènes, matérialisées avec précision, semblent contenir et défendre
l'approche des habitats gaulois.
Au loin et à l'inverse, les voies romaines au long cours montrent encore
à qui sait reconnaître les vestiges, la ruine de leur arrogante emprise.
Quelques sanctuaires païens mais un, voire deux camps militaires
dont César aurait dit à mots comptés, qu'ils furent le lieu d'hivernage , en terre lémovique
de deux Légions, vers la fin de la Guerre des Gaules.
Et l'immense fortification gauloise de Villejoubert
que le Romain ignora superbement . . .
Et un coup de chapeau à mes confrères, archéologues de fortune,chasseurs d'anomalies,
pionniers volants de la découverte aérienne, humbles donneurs à voir,
" avec leur appareil- photo de première communion, sur leur drôles de machines ".
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Je consacrai les
premières années de la
décennie 1980 à la mise en place des
conditions
matérielles de mon expérience. Que soient
remerciés ici mes amis de l'ancien Aéro-Club
Renault-Véhicules-Industriels qui sans poser de questions,
hébergèrent mon avion sur
leurs installations
de
Bellegarde.
Que soient remerciés également la Fédération des Oeuvres Laïques de la Haute-Vienne (Centre Laïque d'Aviation Populaire), les directeurs et les maîtres d'écoles qui permirent durant plus de 10 années, à d'innombrables petits écoliers de découvrir avec nous leur commune vue du ciel. Sans oublier les Clubs du Troisième-Age... ! |
Leur contribution à tous me permit d'amortir sensiblement le coût de l'expérience dans laquelle je m'étais lancé et il m'a semblé juste que je leur en fasse hommage. |
Contrairement au proverbe , il est nécessaire d'espérer pour entreprendre et il devient assez vite important de réussir pour persévérer. Or le temps passait et mon tableau de chasse archéologique ne s'étoffait guère. J'avais relevé quelque part une définition simpliste de l'archéologie aérienne : "voler la tête vide et attendre le choc de l'anomalie". Pas si sûr que ce soit une boutade, toujours est-il que je pris l'adage au pied de la lettre: je chassais l'anomalie. |
De
cette rareté de trouvailles, je déduisis
l'hypothèse
que
j'étais probablement peu doué pour la discipline
archéologique ou bien que durant notre époque
protohistorique et antique, habitants de la Gaule profonde,
nous
n'aurions pas cessé de construire en matériaux
périssables et serions restés ainsi,
résolument transparents. Le
directeur des antiquités historiques du moment m'avait
d'ailleurs prévenu :
-"Vous verrez, vous ne trouverez rien... j'ai déjà fait voler ! " La parfaite logique de l'avertissement m'amusa mais comme les découvertes archéologiques espérées se faisaient rares, la photographie d'agglomérations, de sites paysagers, industriels ou de curiosités de toute nature, occupait l'essentiel de mes vols. |
Et puis un jour il me vint un raisonnement imparable : si
je voulais enfin observer des signes de vie remontant
à la haute époque des gaulois, c'était bien
sur la plus vaste de leurs forteresses
que je devais chercher.
Et cette fortification gauloise était chez nous en Limousin, c'était l'Oppidum de Villejoubert, près de St Léonard-de-Noblat : trois cents hectares de terres agricoles perchées sur le dos d'un long plateau entre deux rivières. Une longue table doucement inclinée au sud et toujours cernée, dans l'intervalle des falaises abruptes, par de hautes levées de terre. Alors un jour au-dessus de Villejoubert, des images se mirent à parler et l'image ci-dessous (hormis la majeure partie du mur périphérique en beige clair) résume l'aboutissement de notre prospection aérienne personnelle. |
Cet apport
insolite ne fut
pas compris par l'archéologie
traditionnelle qui espérait du monumental et attendait
peut-être un "Bibracte" limousin en lieu et place de ces
fossoyages archaïques qui apparaissaient ici et là, sans
égard pour l'étalage très
localisé des rebuts de mobilier de l'Age du Fer finissant, répertoriés par les
archéologues de terrain.
Restituées par l'interprétation de nos photos 2 vastes enclos fortifiés contigüs rendait l'ensemble cohérent. Maintenant lisibles sur le terrain et confortées par les cheminements résolument gaulois qu'elles canalisaient, 5 portes au moins, avaient été taillées dans les remparts. |
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Imbriquée dans
l'entité occidentale, une troisième zone , incluant une
structure rituelle occupait
la partie sommitale du site. On observe sur cette hauteur des traces d'habitat diffus mais également un réduit à vocation aristocratique probable, entouré d'un fossé de défense rectangulaire qui représentait ainsi le retranchement ultime. |
Suite aux prospections au sol et aux fouilles du murus gallicus , seule la porte nord-ouest de l'oppidum gaulois était connue.
Toujours plus ou moins praticable la route axiale de l'Ancien Régime (tracé blanc) fut "recalibrée" puis déclassée en chemin agricole dans le cours du XIXe siècle. Son tracé d'origine se situe nécessairement dans une période postérieure à l'Antiquité gauloise, sur le long cours de la reconquête agricole du Moyen-Age peut-être. Bien visible sur le cliché, elle est toujours considérée par l'érudition comme étant entièrement d'origine protohistorique (gauloise). Ainsi on tente d'accréditer à partir de ce tracé, la notion nouvelle et hardie mais selon nous hautement problématique, "d'oppidum routier gaulois". En effet, le simple examen du cliché ci-dessus montre que la moitié orientale de cette route est bien postérieure à l'époque antique mais ainsi affublée d'une origine prétendument gauloise, elle démolit et défonce cependant deux remparts gaulois successifs pour y aménager des trouées (étoiles rouges) . . . et ceci, à peu de distance des endroits où nos photos montrent précisément les portes véritables de la fortification gauloise, telles qu'évoquées sinon décrites par César dans ses "Commentaires sur la Guerre des Gaules". Ainsi donc, exposée aux incursions des voisins des autres cités puis ouverte à toute la soldatesque romaine et barbare, cette fortification monumentale élevée à grands efforts par les gaulois lémoviques n'aurait jamais été qu'un panier percé ! Armé de notre seul bon sens, un premier différent d'interprétation apparaissait ainsi avec l'Institution archéologique du moment . . . |
Car en matière d'histoire, il
n'était pas encore arrivé en Limousin, qu'un aviateur lambda
s'intéressât un
jour, à autre chose que ses manettes. C'était au début de la décennie 1980. Soufflant le froid et le chaud, on ne tarda pas à me contester avec un dépit certain, la capacité d'émettre le plus anodin jugement de bon sens sur les images que je rapportais de mes sorties aériennes. Allant jusqu'à monter "urbi et orbi" des contre-enquêtes stériles (voir plus loin les pages consacrées l'oppidum de Villejoubert) ou de contester par de fallacieuses appréciations, des réalités mesurées sur le terrain, au prétexte ai-je compris, qu'aucun chroniqueur latin n'avait jamais fait état de réalités aussi considérables. |
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Ainsi
la voie de Lyon à Saintes, notre Voie
d'Agrippa à nous, photographiée ici à quelques
kilomètres de Limoges :
visitée sur le terrain alors que les indices étaient bien visibles, son emprise transversale proche de 30 mètres fut taxée d'exagération. La simple comparaison avec l'assise de la route communale qui traverse le village était pourtant déjà éloquente ! NB : Chaussée antique centrale: 12 mètres, bas-côtés : 8 m et 7,50 m. La dichotomie entre l' aspect "verbo-moteur" d'une certaine doctrine et nos constats et trouvailles issus de l'analyse in situ du terrain observé sous tous les angles, apparaissait de plus en plus plus flagrante. Et c'est ainsi que progressivement, au fil des avanies, au fil de centaines d'heures
de vol coupées de longs temps de recherches et d'interrogations, une
certaine sérénité me vint enfin avec le parti de
juger des choses par moi-même dans la simplicité du "bon
sens agricole" !
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Et je n'aurai garde d'oublier ce que l'archéologie aérienne doit à
un homme trop tôt disparu,
qui se donna pour tâche dans les années 1960,de sortir des
limbes et de préciser le tracé d'un grand nombre de
voies
antiques de ce département : Raymond COURAUD, homme de terrain s'il en fût et qui orienta l'essentiel de ses recherches au sol par
l'examen méticuleux des photos aériennes de
l'Institut Géographique National (IGN), couverture verticale
de 1959/1960.
S'il ne connut pas une totale réussite en tous lieux - et qui pourrait s'en prévaloir - il est remarquable que les solutions qu'il a proposées furent souvent de celles qu'un ingénieur romain des plus pointilleux, n'aurait pas désavouées. Et quand il lui arrivait de battre la campagne à peu de distance de traces qui auraient demandé le temps d'un complément d'enquête, il est fréquent qu'il ait eu l'intuition et l'intelligence de placer sur ses cartes, les pointillés d'un autre tracé possible où il nous arrive de trouver aujourd'hui les indices indiscutables d'un passage antique qu'il avait pressenti, sans avoir pris le temps de le visiter . Il arrive que l'on "emprunte" et "aménage" ses tracés mais sa leçon véritable est toujours méconnue de l'archéologie conventionnelle.
Par ailleurs, les
références toponymiques que je tente mettre en avant ici
et là, se réfèrent particulièrement au travail
remarquable de l'ancien professeur agrégé, l'archiviste
et linguiste Marcel
VILLOUTREIX : "Les Noms de Lieux du Limousin" . . .de la Haute-Vienne .
. . de la Creuse . . . de la Corrèze.
Mais au-delà de ce fonds de renseignements issu des études, des enquêtes et des fouilles d'archéologues sérieux et très expérimentés dont j'ai pu avoir une connaissance succincte et en considération de l'ampleur d'une photothèque aérienne dont l'essentiel révèle - à de rares exceptions près - des indices archéologiques encore jamais vus ni répertoriés sur notre sol, je n'hésite pas à formuler un certain nombre d'interprétations personnelles, de jugements ou de simples explications tirés de l'expérience que j'ai fini par acquérir au cours du temps et qui me sont apparus assez plausibles pour "contenter l'oeil et l'esprit" selon la formule d'un vieil artisan. |
Voici donc un site sur ce qu'il est convenu
d'appeler "l'archéologie aérienne". En espérant
qu'au moins les "amoureux des vieilles pierres", -
mes frères - trouveront là quelques idées neuves, l'envie de considérer avec des yeux nouveaux
et plus affûtés leurs paysages familiers
et le sentiment qu'il n'est pas nécessaire -
amateurs que nous sommes - de faire assaut d'érudition pour
tenter la
découverte sinon l'approche d'une première
compréhension ciblée sur notre lointain passé,
celui qui court de l'Age du Fer finissant à l'Antiquité
déclinante.
S'agissant d'une méthode particulière qui apporte une vision inattendue de choses très anciennes et pour laquelle il n'existe pas d'antécédent sur notre région - l'archéologie aérienne - l'abord des pages du site dans l'ordre où elle sont présentées me paraît être la seule façon de progresser d'une notion nouvelle à l'autre afin de s'imprégner de cette lecture très particulière du paysage et d'en reporter l'acquit sur la suite des sujets traités. Cependant et pour faire droit aux commentaires de quelques amis, familiers de l'internet et qui souhaitaient "butiner" les pages de mon sujet (oui c'est ça, "surfer" !) j'ai composé à leur intention un clavier à la fin de cette page. |
Au terme de cette première page, je vous propose ci-dessous à
simple titre d'introduction, un aperçu rapproché des
quelques aspects que j'évoquais tout à l'heure sur un
point clé de notre fameux oppidum, aujourd'hui
déserté par l'archéologie.
Qui osera dire que Sédulix, le chef des Lémovices
qui périt devant
Alésia,
cité par César lui-même dans ses Commentaires, aurait vécu ici ? Pour
un simple observateur
attentif, il reste encore et il restera sans doute longtemps, bien des
choses à découvrir ou à reconsidérer sur
"l'Oppidum de
Villejoubert".
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Nous apprendrons plus loin à
interpréter les anomalies les plus ténues de ce site
privilégié de notre passé gaulois. Au centre du cliché, au flanc de la partie sommitale, le retranchement de "l'enclos des chefs", La Clautre, défendu par une ultime levée de terre : un murus gallicus secondaire (doubles flêches rouges). Et en dessous de "l'enclos des chefs" et du "murus gallicus", le versant du Taret . . . et déjà quelques "monuments" issus de l'interprétation. |
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De la protohistoire à l'époque moderne, les vieux
chemins disparus sont révélés par le piétinement qui
a creusé le passage et concentré l'érosion au
cours des siècles. Maintenant comblés ou en cours de
comblement, leur assise ou éventuellement leurs fossés
latéraux, concentrent encore l'humidité en période
de sécheresse. Sur les labours, l'éclairage rasant des
soirs d'automne souligne leur présence.
Ici, la trace la plus proche de nous, ponctuée par un arbre isolé, est
certainement contemporaine de l'indépendance gauloise et de
la création de l'oppidum : le chemin émanait de la porte
fortifiée orientale des Sagnettes (à gauche hors limite du cliché) et conduisait à un gué
sur la Vienne, au sud.
Le
chemin le plus important est
cependant moins marqué; il émane lui aussi de
la
porte fortifiée des Sagnettes : ses fossés
latéraux témoignent de son statut supérieur, ils
s'inscrivent en filigrane dans la parcelle de gauche,
repérés entre deux poteaux électriques : notez qu'ils
collectent encore suffisamment d'eau pour qu'une rigole qui s'en
échappe, aille alimenter en contrebas, une mare bordée de saules. Cet itinéraire
protohistorique majeur conduisait à un gué sur la Maulde, au nord (notez sur le tracé, l'arbre au feuillage encore vert malgré l'automne avancé).
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L'archéologie aérienne : une démarche encore balbutiante et inaccoutumée dans nos régions au sol ingrat, nécessitant un recours permanent à la photo-interprétation d'indices ténus et à un contrôle quasi constant sur le terrain |
Les remarques, constats et considérations qui font l'objet des sites : limousin-archeo-aero.fr et archeologieaerienne-marchelimousin.fr sont plus particulièrement destinés à un public déjà sensibilisé à nos racines gauloises et intéressé par l'évolution des usages et coutumes durant notre période gallo-romaine . |
Tenez compte qu'au fil des jours, au fil des mois, au hasard de
nouveaux contrôles ou de nouvelle lecture des clichés,
nos pages peuvent recevoir des ajouts petits ou grands ou être
remaniées pour une meilleure clarté des exposés ou pour faire droit à quelques "repentirs".
Les amateurs
d'archéologie trouveront sans doute de
l'intérêt à ne pas se contenter de documents
internet anciens et à réactualiser de temps
à autre le contenu des pages qu'ils ont pu enregistrer.
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9 L'oppidum sous ballon captif Villejoubert en Limousin Déconvenue sous infrarouge. |
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La voie d'Agrippa 18 vers Lyon, 2ème partie |
N B :
Pour percevoir la continuité d'un itinéraire sensible -
tel
pour tout amateur limousin, celui de la voie romaine de Limoges
à
Chassenon par exemple - la voie d'Agrippa - une longue recherche dans mes pages, n'est pas forcément
assurée d'un succès immédiat.
Pour faciliter cette démarche au sein de mes deux sites, voici quelques indications. 1 - Sortie antique de Limoges / Augustoritum vers l'ouest, jusqu'au village de Chez-Fournier près du Mas-Loge :
- présent site : limousin-archeo-aero, page 13 : "Itinéraires du Haut-Empire". 2 - Itinéraire de Chez-Fournier au site de Chamberet, entrée en Forêt des Vaseix : - second site : archeologieaerienne-marchelimousin , page 11 "La Voie Haute de l'Ouest"
Ce second site indique ensuite et de façon explicite, le tracé de la voie
d'Agrippa à l'ouest de Limoges,
jusqu'à la rivière Charente.
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